À la tête du SDAP des Pyrénées-Atlantiques, Robert Mangado, partisan convaincu du dialogue, a su établir des relations de confiance avec ses interlocuteurs.
D’origine espagnole, Robert Mangado a poursuivi ses études à Toulouse, puis à Paris, dans l’atelier d’Arretche, où il entre en 1967. Parrallèlement il “gratte” dans l’agence Leroy. À l’École des beaux-arts, il acquiert le goût pour le travail en atelier et le compagnonnage : dans le cursus un peu syncopé de ses études, ce jeune homme de vingt-deux ans apprécie la relation entre les anciens et les nouveaux et la diversité d’approches d’un même sujet. Il se forme le regard dans la qualité des échanges. Cette aptitude au dialogue, il la doit en grande partie à son père pasteur, immigré en 1937, à la générosité et l’abnégation en vigueur dans sa famille.
Les années de jeunesse et d’apprentissage
Diplômé en 1972, il se voit offrir l’opportunité d’effectuer son service militaire en Égyte dans le cadre de la coopération. Il choisit de s’établir à Loukxor et assume les relevés architecturaux et la restauration de la chapelle d’Akoris à Karnak sous la direction de Jean Laufray. Dans le contexte local plûtot difficile, où les problèmes politiques et militaires entraînent la scission des services, une certaine tension et beaucoup de perte d’énergie, il se forge une philosophie.
Surnommé “papa moustache”, Robert Mangado établit la confiance sur les chantiers et se rôde à croiser les connaissances historiques et artistiques avec les pratiques techniques et la sensibilité du terrain. Si à Paris, il n’avait pas pris goût aux affaires, en Égypte il ne prend pas plus goût “aux vielles pierres”. Architecte de dialogue, il se plaît aux rencontres, aux palabres, à découvrir et partager la vie des autres, leur point de vue et leurs aspirations.
De retour en France en 1974, le jeune architecte éprouve des difficultés de réadaptation. Il souhaite concilier équilibre familial et pratique professionnelle. Après une tentative infructueuse à Toulouse, à nouveau, la chance lui sourit. Il est invité à participer au lancement de l’assistance architecturale. C’était l’époque où la Direction de l’architecture, qui dépendait alors du ministère des Affaires culturelles, créait, sous l’impulsion de Florence Contenay et dans trois départements pilotes : l’Ain, le Lot et les Pyrénées-Atlantiques, des cellules d’assistance architecturale au sein des Directions départementales de l’équipement, en liaison avec l’architecte-conseil du département.
Dans le département du Lot étaient très impliqués : le préfet Michel Denieul, l’architecte- conseil Robert Joly et l’architecte des bâtiments de France Étienne Cuquel. C’est alors que Robert Mangado réalise ce que pouvait être le rôle d’un ABF dans ce qui allait devenir en fin 1979 les Services départementaux de l’architecture et que sa vocation pour le service public se précise. Étienne Cuquel, par son dynamisme, son esprit d’invention, sa présence sur le terrain, lui montre la voie.
Pendant quatre ans, jusqu’à la naissance des CAUE, R. Mangado se consacre à ce volet. Cette expérience lui a permis de se familiariser avec les élus et les fonctionnaires et de s’intégrer dans le département du Lot. Alors qu’il termine l’aménagement d’une bibliothèque centrale de prêt dans une ancienne usine de chaussures à Cahors, Étienne Cuquel le recrute pour le SDA.
À l’écoute d’un département rural, le Lot
Robert Mangado se plaît au sein de ce département rural, à l’écoute des maires de plus de trois cents communes. Il prépare, paresseusement mais opiniâtrement, le concours d’ABF puis prend la direction du service en 1986. Il assume alors le rôle de chef d’orchestre de la fonction publique dans son domaine. Il a appris à connaître le mode de fonctionnement des élus et sait que ses avis sont espérés dans tout le département, en matière d’architecture quelle que soit la règlementation et l’obligation (ou non) liée à la protection des monument et à la sensibilité des sites. Inlassable, disponible, Robert Mangado a su convaincre et le Lot n’est pas un département où le discours sur l’ABF est négatif. L’architecte des bâtiments de France intervient en amont de l’opération.
L’habitude est prise de faire appel à l’ABF préalablement, car le service déconcentré de l’État précède l’évènement. Robert Mangado, dans l’ensemble privilégié du Grenier du Chapitre, a entrepris et développé, avec ses collaborateurs, une véritable campagne de communication. Expositions, conférences se succèdent sur l’architecture et l’art contemporain faisant naître un nouvel état d’esprit. Dans cette volonté de coopération l’équipe du SDA s’étoffe des vacataires sont engagés qui recoivent une formation professionnelle et vont essaimer hors du département. Les contacts ne font pas défaut et l’enrichissement mutuel se poursuit. Cependant, quinze ans sur place risquent de provoquer la monotonie et d’attaquer la vigilance du regard ! La mutation s’impose : la Haute-Garonne et les souvenirs d’enfance attirent l’homme de la quarantaine, mais en définitive le département des Pyrénées-Atlantiques est attribué à Robert Mangado. C’est donc un retour vers l’Espagne et les racines familiales de la province de Castille.
Un air frais sur les Pyrénées
Nouvelle donne, nouveaux enjeux, mais grâce, d’une part, à l’expérience précédente et, d’autre part, à l’engouement du public pour le patrimoine limplantation est plus aisée ! L’équipe se constitue avec une antenne au Pays basque, en raison des spécificités locales. Le partenariat se noue, à Pau par l’intermédiaire du “pavillon de l’architecture” : la volonté de dialogue reste intacte. Il s’agit toujours de recevoir la parole de l’autre, de faire parler les œuvres du présent comme du passé. L’action préventive est lancée. Un sujet brûlant se présente : les cabanes d’estive. L’occasion est donnée d’entreprendre une action ciblée en milieu rural. Les communes et la société agricole vont apprendre à travailler avec l’ABF.
Cette action phare concilie patrimoine traditionnel et mise aux normes contemporaines. Un architecte du patrimoine, Étienne Lavigne, est engagé pour établir une étude préalable. Comme dans le Lot, l’intervention n’est pas tributaire d’un réglement mais elle va décider des rapports entre le SDA et les intervenants dans le département. Ces cabanes présentes dans toute la chaîne pyrénéenne étaient autrefois construites par les bergers eux-mêmes, selon des techniques élaborées répondant à la longueur du séjour aux conditions climatiques et au métier. Elles sont pour beaucoup situées, encore aujourd’hui, sur les chemins de randonnées et peuvent servir d’abri aux montagnards comme aux marcheurs.
Les bergers, pour la plupart, n’y séjournent que deux mois par an, rares sont ceux qui s’y installent pour six mois. On assiste donc à une modification de l’occupation transfrontalière et à une mise aux normes européeennes. Les communes ont pris en charge la modification ou la construction de la centaine de cabanes d’estive afin qu’elles répondent aux techniques de laboratoire. En revanche, aucune attention n’avait été accordée à la qualité architecturale.
L’intervention de Robert Mangado va permettre de valoriser la montagne en accompagnant un produit local. Fidèle à lui-même, il rétablit le dialogue entre les institutionnels (chambre d’agriculture, sous préfecture, DDAF) et les bergers, les communes. Cette action sera démultipliée à travers tout le département, portant à la connaissance de tous que l’ABF ne ménage ni son temps, ni sa peine, pour promouvoir et préserver l’identité locale.
En matière d’environnement, l’ABF s’implique dans la réutilisation des matériaux traditionnels de la région comme l’ardoise qui avait été abandonnée au profit de l’ardoise de synthèse. Il traverse la frontière. Une première rencontre avec des architectes aragonnais a lieu, les Pyrénées n’ayant jamais été une frontière entre les deux Navarre et les Provinces basques ; l’ABF s’attache à développer les échanges et à établir des comparaisons entre les différents patrimones, spécialement pour l’architecture vernaculaire et entre les différentes solutions de restauration et d’insertion de la création contemporaine. Une association est créée dans le cadre de l’Arc atlantique entre les architectes libéraux. Sa préoccupation première tend à favoriser les échanges culturels.
Il apparaît aujourd’hui que le SDAP des Pyrénées-Atlantiques atteint un seuil de développement qui nécessite un renforcement de l’équipe pour faire face à l’ensemble des tâches qui lui incombent. Le transfert, actuellement à l’étude, des agences de Pau et de Bayonne, serait de nature à favoriser l’évolution du SDAP qui pourrait ainsi acquérir toute son ampleur.
Grâce à son tempérament généreux et à sa puissance de travail, Robert Mangado a su rétablir un courant de confiance entre le SDAP et ses différents interlocuteurs.
Propos receuillis par Geneviève MESURET